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Une rencontre (Lettre à personne formidable)

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Message  shivalee Mar 3 Nov - 16:43

Je me souviens très bien de la première fois, de notre première rencontre, de votre premier sourire et même de vos premiers mots. Je vous imaginais imposante, stricte voir un peu froide, mais vous étiez grande et mince, presque trop, vous aviez un look un peu folk et les cheveux en bataille.
Lentement, timidement je suis entré dans la pièce magique, celle qui m’effrayait temps, celle dont j’avais si peur. Encore une fois je fus surprise, pas de grands murs blanc éclatants, pas d’énormes canapé noir en cuir, ni d’énorme bureau imposant. Une petite pièce assez sombre, de vieux rideaux mal accrochés, deux petites chaines simples et un petit bureau, sans oublier votre fauteuil à vous.
La pièce était petite et l’on y sentait l’odeur du tabac, mélangé à une drôle d’odeur dont je n’ai jamais pus percer le secret. Apparemment tout le monde se plaignait de l’état de cette pièce, mais moi, aujourd’hui je peux bien vous l’avouer je l’ai toute suite adoptée. J’aimais tout sans exception, les vieux rideaux, le peu de lumière, l’odeur du tabac, le petit bureau emplit de paperasse et le vieux canapé déchiré qui ne devait jamais servir.
Une fois assise en face de vous, l’angoisse me prit à nouveau. J’attendais que vous commenciez et vous faisiez de même. On aurait pu attendre longtemps si vous n’aviez pas rompu le silence. Ce jour là j’ai compris que vous n’étiez pas là pour me bombarder de questions mais pour écouter ce que j’avais à dire, même ce que je pensais sans intérêt. Prise au dépourvue je n’ai su que dire mais simplement encore fois le sourire aux lèvres vous m’avez demandé ce qui comptait le plus dans ma vie, ce qui était important. Il suffisait que je vous parle, de tout et de rien, de moi et des autres. Vous vouliez savoir ce que j’avais à dire, j’ai compris ce jour là que vous saviez vraiment écouter.
Alors je me suis lancé, ma famille et mes amis étaient les numéros un sur la liste rien ne passé avant et puis il y avait mon blond comme vous le surnommiez et enfin moi. Une fois de plus vous avez sourit et vous avez pointez du doigt le premier souci, la chose qui clochait dans mon récit. « Si je n’arrive pas à vous faire changer l’ordre de vos priorités alors je n’aurais vraiment rien réussi » c’est exactement ce que vos m’avez dit. Oui je m’en souviens encore, comme si c’était hier, je me souviens de tout, des rideaux, de l’odeur, de votre sourire et de ma surprise. En effet je n’avais pas compris tout de suite ce qui n’allait pas dans mes priorités. Ce que je sais par contre c’est que je suis sorti de votre bureau le cœur plus léger, je n’avais plus d’appréhension ou de doute. J’étais sûre que vous alliez m’aider à régler ces horribles crises d’angoisses et de panique et à reprendre le cours tranquille de ma vie. Naïve ou aveugle je ne sais pas, mais en tout cas vous vous saviez que ce n’était que le début, les préludes d’une longue histoire, un incroyable, long et douloureux voyage dans mon passé et dans le tumulte d’une vie qui n’avait rien de tranquille contrairement à ce que je voulais croire.
Chaque semaine je loupais les deux heures de sport pour venir vous voir, je parlais de tout, de rien mais surtout des autres. Je ne me trouvais pas assez présente pour ceux que j’aimais et vous m’avais fait découvrir que je souffrais d’empathie. « Oui l’empathie est un sentiment humain formidable mais dans ton cas il est trop grand, il prend trop de place, il te dévore, te fait du mal et en devient presque une maladie. S’occuper sans arrêt des problèmes des autres c’est aussi une façon de ne pas voir les siens. » Vous aviez raison, je prenais tous les problèmes de ceux que j’aimais pour moi et c’est encore le cas mais jamais je ne me confiais, au contraire je faisais tout pour tout cacher. Même avec vous je n’ai pas tout dis d’un coup, je pensais que je n’en parlerais jamais, mais vous n’étiez pas pressée car une fois de plus vous saviez que c’était plus profond, plus lointain et plus important que de simples angoisses. Vous avez attendu, et le jour est arrivé, celui que vous aviez prédit et comme vous l’aviez prévu. Tout me revient encore, je n’ai rien oublié, en tailleur sur mon lit le classeur de première littéraire à mes côtés et ce texte de Kant sous les yeux. Depuis quinze minutes je lisais et relisais la même phrase mais je ne comprenais rien, les mots n’atteignaient pas mon cerveau, le français n’avait plus de sens pour moi. Je me sentais comme une étrangère, étrangère à mon corps, à mon esprit, à ma langue, je ne savais plus qui j’étais, ni ce qui se passait. La seule chose que je comprenais c’est que plus rien n’avais de sens pour moi. Je ne voyais que ce texte en français que je m’évertuais à déchiffrer comme une langue étrangère, une vielle langue oubliée. Et sans m’en rendre compte tout doucement puis de plus en plus fort, j’ai pleuré, reniflé et presque crié. Comme lorsque j’étais enfant et que je faisais un cauchemar ou un caprice, j’ai pleuré comme je ne l’avais pas fait depuis des années. Je n’avais plus 17 ans mais 5, une gamine que sa mère est venue consolée et qui a tout de suite compris. « Demain on ira voir Françoise, laisse ce texte, je sais ce que c’est, ne t’en fais pas je suis là » Voilà ce qu’elle m’a dit ma mère adorée et dès le lendemain j’étais devant vous, vous racontant tout ces sentiments troubles, toutes ces choses bizarres que je ressentais. L’impression de ne plus faire partie du monde, d’être spectatrice et non plus actrice de ce qui se passait autour de moi. Ce sentiment d’être dans du coton, dans une bulle, de tout percevoir de loin, les bruits, les voix, les images. Cette incapacité à me concentrer, ce désir de rien, ces envies parties. J’étais une poupée qui regardait pendant des heures un mur blanc et tout le reste je ne le voyais plus. Plus de faim, plus de sommeil, plus de rire, même pas de pleurs, rien. Une coquille vide que plus rien n’atteignait.
Et j’ai fini par cette phrase « Mais à part ça tout va bien », ça vous a marqué et vous avez sourit, je me souviens de tout, de l’odeur, des rideaux, du fauteuil et de vos mots. « Hafssa on va faire entrer ta mère, mais avant il faut que tu saches que tu es en pleine dépression. Ce n’est pas une déprime passagère, ça ne va pas passer avec un bon ciné et une sortie entre copine et surement pas en regardant le mur » Vous aviez sourit mais je sentais que ça allait être compliqué, votre sourire était tendre et doux, je m’en souviens, je me souviens de tout. « Tu sais ce qu’est une dépression Hafssa ? » non je ne savais pas, mais j’allais vite apprendre.
Antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères et deux séances par semaines. Alors là enfin vous avez commencé, peu à peu a poser quelques questions. Il était temps que je vous parle vraiment, du problème, du fond, que je vous raconte les scénarios de chaque épisode de la série télé qu’étais ma vie. Je ne savais même pas que mon passé était la cause de tout cela, bien sûr je n’avais pas oublié mais je croyais que « ça allait ». Alors puisque c’était vous, puisque c’était dans ce havre de paix, dans ce refuge à l’abri du reste du monde, puisque ça sentait le tabac, que les rideaux était vieux et mal accroché et que le canapé était déchiré alors je vous ai tout raconté. Laurent, Eva, ce professeur très particulier, tous ces êtres chers perdus, mon premier baiser, et puis surtout Sébastien et ce que j’avais fait. Plus tard j’ai du ajouter à la liste les trahisons, les mensonges, le viol, l’abandon de Philippe et la mort de Ali.
Vous saviez tous, de mes pires cauchemars à mes rêves les plus fous, des meilleurs moments aux pires de ma vie. Ce que j’aimais et détestais, mes peurs, mes angoisses, mes craintes, mes crimes, mes erreurs, mes fautes. Et votre sourire doux il n’a pas changé et votre regard tendre il n’a pas bronché, vous saviez tout et pourtant j’étais toujours la même à vos yeux. « Une enfant qui a grandit trop vite, une personne trop mûre pour son âge qui vit des choses dont elle ne devrait même pas avoir à se soucier. » Pour vous je n’étais pas une criminelle, je n’étais pas coupable et vous ne m’avez pas prise en pitié comme une victime. Ce jour là, quand je vous ai raconté ce que j’avais vécu, tous les épisodes de mes 10 à mes 16 ans avant même le viol, la perte de Ali et l’abandon de mon meilleur ami vous m’avez sourit et j’ai pleuré. Je m’en souviens parfaitement, l’odeur du tabac, le canapé déchiré, les rideaux mal accrochés et le sentiment que ça allait bien se passer.
Vous m’avez appris tellement de choses, su mettre des mots sur tant de mes maux.
Ce n’était pas ma faute, je le sais maintenant. Avoir plusieurs facettes en sois il faut le savoir, l’accepter et l’assumer ça ne veut pas dire être cinglé. Je suis plus près des démons que des anges et la partie sombre et laide en moi je dois l’assumer aussi. Ce que j’ai vécut ne me quittera jamais mais ça ne m’empêchera pas d’avancer…je ne pourrais pas faire la liste de tout ce que j’ai appris sur la vie mais surtout sur moi grâce à vous, j’ai fais un énorme travail sur moi-même, je suis allé affronter ce qu’il y avait au plus profond et j’en suis ressortie sans trop de blessures. Je me rappelle de la dernière fois que je vous ai vu, il y a quelques mois, je venais vous dire que j’avais compris pour mon cerveau, que je suivais ce que vous m’aviez dit « Ne déteste pas ton cerveau, ne le considère pas comme un ennemi, tu ne t’en ai jamais rendu compte car cela te paraissais naturel mais tous les jours de ta vie, les capacités de ton cerveau à traiter un grand nombre de donnés et à faire plusieurs choses intellectuelles à la fois sont une chance et cela t’a surement beaucoup aidé dans ta vie. Je sais que c’est dur Hafssa, mais essaye de l’accepter au lieu de vouloir le détruire. » Quand il me rend dingue je me remémore ces mots et à quel point vous étiez heureuse que j’essaye de faire ami-ami avec lui. Et surtout je me souviens des sourires. Votre sourire en me disant à « très vite » et en me rappelant que je restais encore une énigme que vous aimeriez résoudre, que j’étais votre « sudoku » à vous ! Et mon sourire en quittant votre cabinet comme à chaque fois lors de ces six années. Je me souviens de tout, les vieux rideaux mal accroché, l’odeur du tabac mêlée peut être à un parfum de liberté, le canapé déchiré, le petit bureau emplit de papier et nos regards, nos sourires, nos histoires. Il serait dérisoire de vous dire merci, mais je ne sais comment exprimer ma reconnaissance et mon affection. Alors comme je n’oublie pas, tous les jours j’essaye d’assumer ce que je suis, de veiller à la nouvelle liste de mes priorités et de ne plus faire la guerre avec ce bon vieux cerveau qui est un peu mon meilleur ennemi. Je ne sais pas si je vous reverrai un jour, je ne pensais même pas qu’un jour j’aurais à vivre sans nos discutions, sans nos séances et nos coups de fil. Je ne sais pas si j’aurais la chance de vous rencontrer quelque part en France dans je ne sais qu’elle ville par hasard, ni si j’aurais l’occasion de vous dire que personne ne vous en veut pour votre départ précipité. Mais je sais que jamais je n’oublierai mon havre de paix, les rideaux mal accrochés, le vieux canapé déchiré, les petites chaises un peu rouillées, le bureau emplit de papier et vos premiers mots. « Ca va ? »
Je sais qu’un jour grâce à vous, je serais capable de répondre « oui »


Dernière édition par shivalee le Mer 1 Sep - 15:23, édité 2 fois
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Message  Marguerite Orignal Mar 3 Nov - 17:46

y'avait une faute qui m'a sauté aux yeux mais j'en ai un peu rien à foutre là, je suis trop prise par ce que je lis ^^"

Tu as lu ce texte "eux=vous" je crois...Tu te souviens de cette phrase "On n'acquiert pas une telle maturité sans être passé par certaines choses" ? elle revient souvent dans mon texte...Et j'y pense énormément en lisant ton texte, pour tout ce que tu évoques ici.
Hafssa je ne sais que dire, juste..=> *hug* *hug* *hug* *hug* *hug* *hug*
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Message  shivalee Mer 1 Sep - 15:23

Elle me manque....
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Message  Marguerite Orignal Mer 1 Sep - 16:45

peut-être pourras tu un jour retrouver quelqu'un qui lui ressemble ? Qui sait...
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Message  shivalee Mer 1 Sep - 17:41

Je dois retourner voir un psy mais j'ai pas envie!! Elle s'était Elle!
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