entretien avec une tueuse extrait

"Ah! L'inévitable couplet sur le romantisme des loubards. Est- ce vrai ou s'appliquent- t-ils à suivre ce qu'ils comprennent d'un stéréotype? Les deux, peut être. "Mère", ça c'est un mot, une clef parfaite. Comme "petite sœur", "pote" ou "grand frère". Mais "Mère", c'est le mieux. Ça les renvoie à des rêves, ce qu'ils croient avoir voulu être, ce qui a foiré.
Une promesse de tendresse à laquelle on pourrait croire, un ventre où enfoncer sa tête quand on a mal partout Ils oublient bien sûr qu'il y a aussi des nulles et des salopes chez les mères.

Ton cynisme me terrifie parfois, Théa.
-Vraiment? Cynisme,c'est le mot dont vous affublez la lucidité quand elle vous gêne. Mais rien ne me gêne et peu de choses me font peur"


Entretien avec une tueuse Andrea H. Japp



"Le cynisme consiste à voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être."
Oscar Wilde

JOUR 7

"Tu vois, je te concède une chose: lorsque tu traites les hommes comme des bêtes, tu en fais des bête. Non pire. Lorsque les hommes se sentent des bêtes, ils le deviennent. A ceci près que les bêtes ne sont pas méchantes gratuitement, sans le dressage des hommes."

JOUR 6

"Imbécile, tu ne comprends rien, pire, tu ne sens rien. Tu t'insurges de mon cynisme, mais le cynisme exige une conscience aiguë des choses, des autres et de soi-même. Toi, tu passes à côté, inconscient ou menteur. Ta complaisance pour tes petites affaires t'aveugle et te grise. A tout prendre, je préfère le cynisme. La lucidité est un acte de courage."

JOUR 6 SUITE

"Jean COCTEAU disait qu'il n'y avait pas d'amour, juste des preuves d'amour. C'était la preuve de Paul, la plus belle, la moins égoïste, la mort. On ne peut tuer par amour que lorsqu'il est immense, parce que c'est accepter de perdre l'autre."

DIAL2

-Arrête, déconne pas, j'ai mal. Y a un truc qui me rentre dans le bide.
-C'est pas grave, c'est un tesson de bouteille. Ça va saigner un peu, c'est tout, si tu ne bouges pas trop. Sans cela, tu t'étripes comme un grand.
-Bordel, mais qu'est ce que tu veux? Prends mon fric, je dois avoir trois cents balles et laisse moi. Je t'ai arrêtée, mais j'en ai pas profité. Je t'ai pas mis la main à la chatte, non?"
Répondant à son invitation, je tirai son portefeuille:
"-Merci, c'est sympa - le fric, je veux dire. Et tu as eu le nez creux: si tu m'avais mis la main à la chatte, tu serais déjà mort, chéri.
-Arrête, je t'en supplie. Ces chiens sont dingues. T'es complètement déjantée."
J'ai gloussé. Je trouvais la scène plutôt marrante.
"-Oui complètement."

DIAL

"Les hommes sont étranges. Ils payent une pute et c'est lorsqu'elle ne peut pas écarter les cuisses qu'ils sont bouleversés."

DIAL

"-Attends, Théa, tu veux dire que c'était un mec?
-Non, enfin tout dépend de ta définition des genres. Si le fait de posséder un pénis est caractéristique, alors oui, Marigold était un mec.
-Bien en général...
-Je me fous du "en général", Thomas. En "général" on n'est pas tueur, en "général" on est citoyen d'un État, on possède une identité, une famille, des amis. En "général", on n'a pas eu la vie que Marigold et moi avons eue.
-Ça marche pour moi.
-Bien."

Celle ci me parle beaucoup....

"J'ai toujours préféré les armes blanches, parce qu'elles nécessitent une proximité. C'est sensuel. Je veux dire que cela fait appel aux sens. Tu renifles l'odeur de l'autre, tu vois son regard, tu écoute son souffle, d'abord précipité, haché de peur, puis paisible parce que ses poumons ont su avant son cerveau que même la peur était illusoire. La peau et la musculature en dessous offrent d'abord une sorte de résistance.
Il faut forcer un peu. Ensuite, tout est doux, sans effort."

DIAL

"Tu regardes mes lèvres, vaguement intimidé. A quoi penses tu, Thomas? A leur tiédeur autour de ton sexe, sur ta bouche? C'est une erreur. Si tu avais regardé mes yeux, peut être aurais-tu senti qu'un pan de la vérité venait de t'échapper. Jean disait qu'il ne faut jamais lâcher le regard de l'autre. Le regard est un braille liquide. On apprend aisément à décrypter son relief, en l'effleurant du bout des yeux. La moindre émotion désorganise les lettres pour reformer d'autres mots, des mots de méfiance, de désir ou d'assassinat.
Mais cette bouche humide, qui découvre lorsqu'elle s'entrouvre des incisives légèrement écartées, t'a dérobé une heure de ma mémoire. Laisse moi te la raconter maintenant."

JOUR3

" Le temps ne presse pas encore, mais il est si caractériel.
On a parfois le sentiment qu'il faudra s'armer de toute la patience du monde
pour en voir le bout, et soudain, il s'affole, accélère pour finir par s'évader."

JOUR2

"On écrit rarement pour soi.
On écrit avec la conviction même diffuse, qu'un jour ces mots, couchés
comme une preuve, convaincront quelqu'un d'autre."