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Quelque part ailleurs

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Message  Marguerite Orignal Dim 31 Juil - 22:05

Je venais de débarquer lorsque j’aperçus la valise jaune à fleurs qui devait marquer ce printemps-là. J’arrivais tout juste à Toronto, afin de prendre mes fonctions chez Bell, une des deux grandes firmes de télécommunication du pays. Je devenais chargée de communication pour la région de l’Ontario. A l’époque, j’utilisais le modèle banal de valise noire, d’une marque quelconque, le genre que tout le monde avait. Je préférais la discrétion, aussi cet ovni jaune me perturbait-il. Je m’emparai de mon bagage dès que je le vis passer et me dirigeai tranquillement vers la sortie, en essayant de ne pas trop fixer la propriétaire de l’incongruité fleurie, une longue fille brune vêtue d’une simple robe violette. Les deux couleurs allaient bien ensemble, certes, mais on faisait difficilement plus voyant. Un homme vêtu d’un costume gris un peu défraîchi, bedonnant, la peau mate de ceux qui travaillent à l’extérieur s’approcha de moi.

-Mademoiselle ? Excusez-moi, je crois que vous avez ma valise…

Cette fois-ci, je n’avais pas vérifié l’étiquette du bagage, et, comme cela devait arriver, je n’avais pas pris le mien. Après avoir procédé à l’échange et débité quelques excuses, je pus enfin rejoindre mon secrétaire qui m’attendait sagement dans le hall des arrivants, muni de sa pancarte Bell. Nous nous dirigeâmes vers le parking où nous attendait une voiture estampillée Bell. Ça n’était pas franchement discret non plus, mais en matière de communication les règles ne sont pas les mêmes qu’en matière de style. Sur la rangée face à la nôtre, une voiture estampillée Rogers. Rouge, bien entendu, tandis que la nôtre était bleue. A l’intérieur, la demoiselle de tout à l’heure. Tiens donc…Bell et Rogers étaient-ils dont vraiment aussi antagonistes qu’ils voulaient le faire croire ? Peut-être pas tant que ça, puisqu’on nous déposa toutes les deux au Primrose Hotel, sur Carlton Street. Le temps de poser mes bagages, de me recoiffer et de prendre de quoi travailler, nous étions repartis pour les bureaux. Là j’étudiai la politique de communication de l’entreprise, vérifiai quelques éléments de culture, rencontrai l’équipe… Je rentrais directement à l’hôtel, dînais, parcourais les sites d’agences immobilières et allais me coucher. Je n’étais pas là pour faire du tourisme mais pour travailler. Je me levais le lendemain matin avec l’idée de faire de même, et ce jusqu’à mes prochains congés, le plus tard possible. Je vécus très bien ainsi pendant la première semaine, satisfaite de ma routine. Mais une tempête brune et verte y mit fin un mercredi soir, alors que je rentrais du travail.

-Bonjour !

-Euh…Bonjour…

Son sourire était un peu trop éclatant à mon goût. Sa robe trop verte, et ses cheveux trop brillants. J’étais cependant obligée d’admettre qu’elle avait un certain charme, et même une certaine classe. Quelque chose de racé dans ses traits, de digne dans sa démarche, d’altier dans son port. Elle sortit de nulle part deux billets pour je ne sais quoi, et tout en les agitant :

-Je parie que tu n’es pas encore allée à la tour CNN ! S’il y a une chose à faire à Toronto c’est bien celle-là !

-Non en effet, je préfère me consacrer à mon travail…

-Et comment veux-tu toucher tes clients potentiels sans les connaître eux ni leur environnement ? Pas en lisant, crois-moi, tout aussi bien écrits qu’ils puissent être, les guides touristiques ne valent pas les expériences personnelles!

Ne sachant que répondre, je me suis laissée entraîner. Son énergie débordante était sans doute due au fait qu’elle n’avait pas travaillé de la journée. Si c’était ça ma concurrente, Bell n’avait pas de souci à se faire. Durant tout le trajet, Isabelle ne cessa pas de pépier, m’informant sur tout ce que j’avais manqué à Toronto, sur le temps précieux que j’avais perdu alors que la ville m’ouvrait les bras… Et elle continua, même une fois arrivées à la Tour, me racontant comment elle avait été construite, quand, par qui, pourquoi, quel était son image dans la ville et dans la région etc… Elle ne me laissa pas un seul instant, me désignant chaque quartier, chaque monument que nous pouvions voir par les baies vitrées du sommet de la tour, me faisant marcher sur la partie vitrée du sol, et même acheter un de ces porte-clés en forme de feuille d’érable qui se vendent partout.

-Montre aux Ontariens que tu les aimes, Eirin ! Tu verras que ton équipe fonctionnera beaucoup mieux si tu lui montres que tu t’intéresses à son environnement !

En ne me livrant que le minimum d’information sur elle, elle était parvenue à m’extorquer mon nom, mon prénom, mon âge, ma nationalité, mes goûts musicaux, littéraires, artistiques, stylistiques… Et je n’avais pourtant pas l’impression d’avoir dit plus de deux mots.

Après la visite de la Tour, il fallut encore dîner, trouver un taxi, atteindre ma chambre. Exténuée, je m’endormis en priant pour que demain soit une journée calme, tout en désirant revoir Isabelle…
Celle-ci m’attendait à l’entrée de l’hôtel, dans lequel elle ne me laissa même pas rentrer, afin de m’entraîner dans une visite de la ville. Et ainsi de suite tous les jours pendant des semaines, y compris les week-ends. Le quartier de l’hôtel de ville, le quartier jamaïcain, le quartier chinois, le quartier grec, le lac Ontario, les chutes du Niagara, le zoo de Toronto, le Royal Museum of Ontario, le parc d’attractions Canada’s Wonderland et même le stade Rogers n’eurent bientôt plus de secrets pour moi. Elle m’entraîna au Canadian Air & Space Museum, au Gibon’s House Museum, au Toronto Reference Library, à l’Allan Gardens Conservatory, au Claireville Conservation Area... Nous avons dîné un peu partout, savouré des blueberries, dégusté des travers de porc au miel, découvert la poutine, goûté la latourtière, ou encore des cretons. Les semaines ont passé, je me suis attachée à Toronto, et à Isabelle. Isabelle qui est devenue une amie, et qui aurait peut-être pu devenir plus… Oui, nous aurions pu aller jusque là, s’il n’y avait pas eu ce samedi matin…

C’était le lendemain d’une longue soirée où nous avions découvert un énième bar qui avait abrité nos confidences, nos sourires, nos frôlements, notre affection. Et puis nous étions rentrées chacune dans sa chambre, se souhaitant une bonne nuit, avec la joie de se retrouver le lendemain pour de nouvelles aventures. Nous étions censées partir le samedi et rentrer le dimanche, simplement découvrir ensemble la péninsule Bruce. Nous devions juste passer un peu de temps ensemble, encore un peu…

Sauf que ce matin là, on a frappé à ma porte. On m’a annoncé qu’Isabelle était morte. Veuillez me suivre mademoiselle. Vous êtes accusée du meurtre d’Isabelle C****. On vous a vu avec elle hier soir. Plus de visite de la péninsule. Plus d’Isabelle.

A la place j’ai découvert l’OPP, la Police Provinciale de l’Ontario. Les locaux de la police. Les droits des accusés de meurtre. J’ai découvert ce qu’était un interrogatoire, un inspecteur de police, une cellule de garde à vue. Pendant plusieurs heures je n’ai pas su comment elle avait été tuée. Je savais seulement qu’elle était morte et qu’on me croyait coupable. Parce que nous étions dans deux entreprises concurrentes et que nous nous fréquentions tout de même. C’était louche, forcément louche, que du jour au lendemain je devienne amie avec mon homologue chez Rogers. Alors je l’avais assassinée, évidemment. J’ai commencé par leur répondre froidement qu’Isabelle était mon amie. Ensuite, ce furent les larmes. De chagrin puis de rage. Lorsque j’eus vidé le trop-plein d’émotion, je repris mes froides explications. Je ne pouvais pas l’avoir tuée pour des raisons commerciales. Je perdais mon emploi à coup sûr, et c’était Rogers qui bénéficiait de la publicité. J’étais Norvégienne, j’avais vécu en Norvège, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Suède, en Suisse, aussi le conflit entre Bell et Rogers ne pouvait me toucher assez pour que je décide de supprimer la publicitaire de Rogers. Je n’étais pas une psychopathe désirant éliminer l’entreprise concurrente. J’étais pour l’émulation. Et j’aimais Isabelle. Je n’avais pas de raison de la tuer. Aucune… Je voulais qu’on me laisse la pleurer.

Finalement, on me libéra. La police conclut que l’ADN sous les ongles d’Isabelle ne pouvait être le mien. Que je n’avais pas de sang sur mes affaires, et pas de couteau adéquat dans ma chambre. Car Isabelle avait été poignardée.

Six coups de couteau. L’excentrique au port altier avait été lacérée. Comme on lacère une œuvre d’art. Avec rage et sans réflexion.

J’étais censée rester à disposition de la police, comme il est d’usage. Mais j’avais été remerciée de Bell, comme il se doit. Avec indemnités bien sûr. Que faire lorsqu’on vit pour son travail et qu’on vous prie de vous faire employer ailleurs mais que plus personne ne veut de vous ? Il ne vous reste plus qu’à trouver une autre occupation. Pour moi, ce fut d’enquêter sur le meurtre de mon amie.

Ma liberté de mouvement étant limitée, je commençai par rassembler mes souvenirs d’Isabelle. Que savais-je d’elle ? Peu de choses. Qu’elle avait été danseuse au Royal Ballet of London. Qu’elle était curieuse et cultivée. Qu’elle aimait partir à l’aventure. Qu’elle ne remettrait plus jamais les pieds à Londres, pour une raison que j’ignorais. Qu’elle lisait et écrivait le grec ancien, un peu de latin, et le braille. Qu’elle parlait l’allemand et l’anglais.

Regrouper ces éléments ne m’occupa pas longtemps. Très vite, je me mis à préparer un voyage à Londres, bien que ne sachant pas quand il me serait possible de partir. Cette répugnance d’un retour dans cette ville, associé aux louanges qu’elle en faisait lorsque nous en parlions me semblait suspecte. Je savais, pour l’avoir expérimenté quelques fois, qu’il arrive d’aimer une ville pour y séjourner et non pour y vivre. En ce cas, on invoque l’ambiance de la ville, la qualité de vie, le prix des loyers, etc… Mais Isabelle n’avait aucun prétexte rationnel pour refuser de retourner y vivre. Elle était amoureuse de cette ville tant pour son architecture que pour son ambiance, les quelques défauts tels que les prix ou l’absence de fromages ne la dérangeaient pas outre mesure. D’ailleurs elle n’envisageait même pas d’y retourner pour des vacances. Il était donc probable qu’elle avait vécu quelque chose là-bas qui l’empêchait d’y retourner. Il fallait bien commencer par quelque chose, j’avais décidé que ce serait Londres. Sauf que je ne pouvais toujours pas partir. Alors je ne pouvais que tourner en rond.

Deux semaines après ma libération, on arrêta un groom de l’hôtel. Il était entré dans la chambre pour apporter à Isabelle la glace qu’elle demandait, puis les caméras étaient tombées en panne, aussi ignorait-on quand il avait quitté les lieux du crime. Se déplaçant avec un chariot de l’office aux chambres, il avait tout à fait pu y dissimuler le couteau de cuisine adéquat. Pour couronner le tout, il avait mis plusieurs jours avant d’admettre s’être rendu dans la chambre. Il n’avait pas de mobile, mais on lui en trouverait un sans peine : agression sexuelle, racket, accès de folie… Peu importait, il purgerait une longue peine ou on le renverrait dans son pays, on avait trouvé un coupable sans-papiers de surcroît, tout le monde était satisfait.

Pas moi. La police s’était déjà trompée une fois, aussi fallait-il y regarder à deux fois. Cette histoire de caméra était beaucoup trop opportune. Il était évident que c’était l’œuvre de quelqu’un, meurtrier ou complice. Il était tout à fait possible que le groom ait tué Isabelle. Mais sans doute en échange d’argent. Quelqu’un avait prémédité ce meurtre, et il importait de le retrouver, afin qu’il soit puni au même titre que celui qui avait tenu l’arme. L’affaire étant classée, on me rendit mon passeport et ma liberté. Je m’envolai pour Londres.

Je venais de débarquer lorsque j’aperçus du coin de l’œil quelque chose qui me parût familier. Seulement, lorsque j’y prêtais attention, il me fut impossible de le reconnaître, ni même de déterminer s’il s’agissait d’un humain, d’un objet ou d’autre chose. Je récupérais la valise jaune que j’avais achetée à Toronto et sortis de l’aéroport. Elle n’avait pas de fleurs, mais elle avait le mérite de me rappeler celle d’Isabelle. Et d’être reconnaissable entre toutes. Les probabilités pour qu’un autre passager ait la même étaient tout de même plus faibles qu’avec mon habituelle valise noire. Je me dirigeai vers le seul hôtel que je connaissais. Et je mesurais le pas que j’avais franchi grâce à Isabelle. Rien que pour ça, je devais retrouver son l'instigateur de son meurtre.

Je commençai mes recherches par l’Opéra, à Covent Garden. J’y rencontrai le concierge, vieillard bedonnant à la peau mate, vêtu d’un costume grisâtre. Il me servit du thé dans sa loge, et me fit ses confidences tout en tournant mécaniquement sa cuillère dans sa tasse.

-Si vous cherchez qui a fait le coup, vous feriez bien d’aller jeter un coup d’œil aux énergumènes avec lesquels cette pauvre Isabelle s’était accoquinée. Il y avait cette folle de Lucinda, la colocataire d’Isabelle, marchande de jouets, une anarchiste de la pire espèce si vous voulez mon avis. Toujours attifée comme une sorcière, avec ça. Elle la faisait entrer gratis… Une aveugle à un ballet ! Que voulez-vous qu’elle y fasse ? Au moins, elle porte ses défauts sur sa figure, celle-là, pas comme l’autre là. Comment il s’appelait déjà ? Julio…Lucio... Tullio, oui. Une brute celui-là. Un gredin qui se cache sous des airs de gentleman. On se demande ce qu’Isabelle pouvait bien lui trouver… Elle était malheureuse avec lui, oui, et il la retenait prisonnière ! C’est misère qu’elle ait fréquenté des voyous pareils…

-Et selon vous… Quelle part pourraient-ils avoir dans l’affaire ?

-Allez savoir ! Trafic de drogue pour la sorcière ou jalousie maladive du m’as-tu-vu… Il ne supportait pas qu’on l’approche, tenez, il me tombait dessus si j’avais le malheur de lui toucher un mot !

Je commençai par Tullio. Il donnait ses cours à l’opéra, où je le trouvai aisément. Le concierge ne devait plus avoir toute sa tête puisqu’ils travaillaient dans le même établissement. Par sa fonction, Mr Bart W. devait croiser souvent le professeur de danse. Tullio était un homme mince, au regard sombre, à la voix douce et aux manières exquises. Il avait appris la mort d’Isabelle et lui non plus ne croyait pas que le groom ait agi seul.

-A l’époque, j’aurais pu vous donner cent noms. C’est un milieu impitoyable, tout le monde veut être le premier, le mieux payé, le plus adulé. Ça pouvait aller de la jalousie jusqu’à la haine… parfois même haine à mort.

- Pourquoi quelqu’un aurait-il pu lui en vouloir des années après ? Quelqu’un qui aurait perdu sa trace et ne l’aurait retrouvée que maintenant ? Un ancien amant, un créancier… ?

-Isabelle n’avait pas de dettes, quant à l’ancien amant c’est moi. A l’époque, je l’aimais trop pour pouvoir lui faire le moindre mal, et aujourd’hui je n’en ai toujours pas envie, Isabelle et moi, c’est oublié depuis longtemps. Et nous sommes restés en bons termes. Nous avons gardé contact toutes ces années… Ses seules ennemies auraient pu être les danseuses, et je ne vois pas pourquoi l’une d’elles l’aurait tuée alors qu’elle est depuis longtemps hors du circuit.

Je sortis de cet entretien sans être plus avancée. Tullio m’avait paru être sincère, et il avait montré beaucoup de chagrin pour la mort d’Isabelle. Malgré les allégations du concierge, j’avais du mal à voir un meurtrier en lui. Peut-être que, contrairement à ce qu’il affirmait, il avait encore de l’amour pour Isabelle, assez pour décider de la tuer… quinze ans après. J’espérais que ma rencontre avec Lucinda me permettrait d’y voir clair.

Son magasin de jouets était situé dans Camden Town, le quartier punk/rock de Londres. Durant le trajet, je songeai que par delà la mort Isabelle me faisait visiter une ville où j’avais vécu des années auparavant sans même m’y intéresser. Covent Garden et Camden Town sont tous deux des quartiers pavés, aux allures de marché, très touristiques. Mais Covent Garden est ordonné, les grandes enseignes européennes y sont représentées, la faune y est artistique, à cause de l’Opéra; tandis que Camden Town est parcouru d’enseignes diverses et obscures, de gargotes de cuisine asiatique, de punks, gothiques et autres lolitas aux vêtures les plus diverses.

-Isabelle avait quelque chose de noble, on aurait dit le portrait d’une princesse qui se serait échappée de son tableau… Et avec ça, toujours enjouée, de bonne humeur, prête à découvrir de nouvelles choses… Qui a bien pu faire ça ?

Lucinda n’était pas la marchande de jouets des images d’Epinal. Elle avait plusieurs piercings à l’oreille droite et ses cheveux étaient bleus. Elle portait une longue robe noire corsetée, semblable aux déguisements pour enfants qu’elle vendait ainsi que des lunettes roses.

-Vous n’avez pas lu que la police avait arrêté le groom ?

-Les informations je ne peux que les écouter…Mais, vous y croyez vous ?

Elle semblait s’adresser aux éléphants en bois qu’elle rangeait avec exactitude et dextérité.

-Non… C’est pour ça que je suis là.

-Hum… Eirin, j’aime bien savoir comment sont les gens à qui je parle… Vous êtes comment ?

-Je…euh… Je suis rousse. J’ai les cheveux assez longs…pas assez au goût d’Isabelle. Ils m’arrivent à la taille maintenant. Je suis toujours habillée en noir. Je porte peu de bijoux, pas comme Isabelle! En argent, surtout. Une bague qu’elle m’a offerte, un pendentif de famille… J’ai les yeux bleus.

-Vous parlez beaucoup d’Isabelle. Elle laisse…laissait, rarement indifférent. Les hommes étaient fous d’elle, vous savez ? Oui, vous le savez sans doute… Vous devriez chercher de ce côté-là. Il n’y avait personne à Toronto qu’elle aurait éconduit ?

-Non… Pas que je sache. Nous étions toujours ensemble, je ne vois pas quand ça aurait pu avoir lieu.

-Ah, ensorcelée aussi, alors ?

Sur quelle piste me menait-elle ? A présent, c’était Lucinda qui me semblait suspecte. Elle semblait peu préoccupée par la recherche de l’assassin. Si c’était elle ?

Je rentrais bredouille à mon hôtel. D’un côté, j’avais une femme évasive, mystérieuse, à l’aspect surprenant, qui m’encourageait à chercher du côté des hommes. De l’autre, j’avais un homme raffiné, visiblement peiné par la mort d’Isabelle, mais désireux de m’aider. Et pour finir, un concierge médisant qui disait n’avoir pas connu personnellement Isabelle, pourquoi lui en aurait-il voulu ?

Je me couchai, un peu dépitée. Pas découragée, car s’il le fallait, j’interrogerai jusqu’à la dernière danseuse ayant connu Isabelle. Je sombrai dans un sommeil agité. Ce fut le courant d’air qui me réveilla. Encore dans un demi-sommeil, je tâchai de me souvenir si j’avais fermé la fenêtre ou non. En plein automne à Londres, il était assez peu probable que je l’aie ouverte, même dans la journée. Un bruit attira mon attention. Complètement réveillée, j’actionnai le commutateur situé au-dessus de ma tête de lit. La chambre était assez petite pour que la veilleuse l’éclaire entièrement. Et il y avait quelque chose de très intéressant à voir. C’était essoufflé, ça oscillait entre le rouge et le gris et ça avait un couteau à la main.

-Alors c’est vous ?

Le concierge se tenait les côtes, tâchant de reprendre son souffle après son ascension.

-Tout ce mal… Pour une bourgeoise coincée… qui n’avait pas compris non plus…

-Compris quoi ? Oh ! A Toronto… L’échange de valise… C’était vous !

-Il fallait bien approcher la concurrente d’Isabelle, non ? Voir à quoi vous ressembliez… Si vous étiez une menace pour elle… Vous étiez pire que ça !

-Votre portrait à charge de Tullio, c’était un portrait de vous-même… C’est vous qui vouliez garder Isabelle pour vous !

-Elle n’avait pas compris que nous étions destinés l’un à l’autre… Mais je lui ai fait comprendre ! Désormais nous sommes liés à jamais ! Mais tout le monde peut encore croire que ce freluquet de groom n’a eu besoin de personne pour vouloir la tuer… C’est moi qui l’ai payé. Pour le bidouillage des caméras et le meurtre. Toutes mes économies y sont passées. Il plaidera la légitime défense, dira qu’elle a essayé de le violer, je ne sais quoi… Personne ne sait ce qui s’est passé dans cette chambre. Il s’en sortira. Je lui ai donné l’argent pour !

- Vouloir emprisonner Isabelle, ce n’est pas l’aimer… Pour elle, je ferai en sorte que justice soit faite !

-Trop tard, elle est morte, vous comprenez ?

Il avait repris son souffle. Il levait déjà le poignard. Je lui lançai un oreiller au visage et commençai à hurler. J’étais prête à y laisser ma voix plutôt que ma peau. J’avais encore un oreiller, un traversin, et une lampe de chevet, je pouvais me défendre encore un peu contre un vieillard chenu… Mais on vint à mon secours, il y a, dieu merci, des gens qui ont assez de présence d’esprit quand ils sont tirés de leur sommeil. Mr Bart W. fut arrêté, puis condamné quelques mois plus tard pour complicité de meurtre avec préméditation et tentative de meurtre sur ma personne.

J’appris par Lucinda que des années auparavant, Mr Bart W. avait fait des avances à Isabelle. Des avances trop poussées. Jusqu’à ce qu’il la menace, un jour, à la sortie du spectacle. Tullio avait pu la défendre et menacer à son tour le concierge. Ça avait fait scandale, les deux hommes s’étaient battus. Isabelle avait quitté la profession et juré de ne jamais revenir. Précaution inutile…
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Message  Invité Jeu 4 Aoû - 19:10

Diantre, quel texte...
Je n'ai pas le courage, ni la tête, à le lire ce soir... Je reviendrai le lire en rentrant de vacances sûrement...



Content de voir cependant que le forum existe encore sous sa croute de poussière ...

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Message  Marguerite Orignal Ven 5 Aoû - 13:14

Contente de voir que y a aussi des gens pour aller voir ce qui est posté ! \o/ Héhé je compte bien le faire vivre ce forum, naméoh !

Mouhahaha t'inquiètes pas je vais te rappeler de le lire ! *rire démoniaque*
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Message  Invité Sam 6 Aoû - 6:24

Marguerite Orignal a écrit:Contente de voir que y a aussi des gens pour aller voir ce qui est posté ! \o/
(à titre d'information je passe voir quasi tous les jours, ou au moins 3 fois/semaine)

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Message  Invité Ven 19 Aoû - 20:55

C'est... hum... intéressant. Ou plutôt, disons que ça aurait le mérite d'être plus long, avec un peu plus d'intrigue.

Les deux premiers tiers sont biens, mais les rencontres avec les deux suspects sont trop courtes et pas assez descriptives, on aimerait que ça dure un peu plus longtemps tu vois ?

Ensuite, à partir du moment où elle se réveille, ça s'achève trop vite, beaucoup trop vite. Une petite scène de bagarre, quelques objets qui volent, autres que le seul coussin, ça aurait ajouté du piment, tout comme une partie de "chat" entre les personnages autour du lit par exemple, juste le temps que le voisin se pointe, car même s'il habite sur le palier, on ne se réveille pas aussi vite, encore moins pour porter secours à une éventuelle personne...
Oui vraiment, un peu d'action entre le cri et l'arrivée des secours aurait été la bienvenue et aurait gommé les phases trop courtes avec les suspects par exemple.

Cependant, c'est une histoire assez intéressante je trouve ; qui aurait toute fois le mérite d'être améliorée un poil ^^

Bravo donc Wink

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Message  Marguerite Orignal Mer 24 Aoû - 18:47

Je pense que je la reprendrai, tes critiques sont tout à fait justes, et moi aussi j'aurais aimé m'attarder avec mes suspects...
Je l'ai écrite pour un concours de nouvelles (Le Monde/Air France), et j'étais très très limitée. En fait, ceci est la version longue, la version que j'ai envoyée fait 4 pages (elle est lisible sur sky en "privé" normalement). Du coup en voyant où j'en étais quand je suis arrivée aux suspects, je me suis mise à faire de plus en plus court, en ayant peur d'outrepasser la limite, ce qui est bel et bien arrivé.
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Message  Invité Mer 24 Aoû - 21:47

Qu'est-ce qu'ils veulent qu'on raconte en 4 pages ? >_>

Ah, tu as dépassé :/
T'es hors concours alors puisque tu n'es pas dans les règles ??

Ok pour les modif', je la relirai avec plaisir lorsque tu les auras faites Wink

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Message  Marguerite Orignal Jeu 25 Aoû - 9:10

Ben je sais pas x_x
Non, enfin oui... Là c'est la version où je dépasse. J'en ai fait une autre, bien moins détaillée, qui, elle, fait 4 pages, et tu peux la lire sur sky dans les "articles secrets".
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